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Emmanuel ARAGON
31 août 2011

Je resterai juste à côté -Dessin mural in situ -

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Je resterai juste à côté -
Dessin mural in situ - plafonds et murs des trois étages de l'escalier
Exposition Black is not dark, Galerie La Vitrine, Arles, août 2011

 

 

Transcription de Je resterai juste à côté
Textes ci-dessous écrits en capitales, sans espaces entre les mots ni ponctuation.
La transcription linéaire ci-dessous s'appuie sur la différenciation de blocs de textes marqués soit par des changements de graphie (souvent de taille des lettres) soit par leur positionnement dans l'espace. Leurs espacements, imbrications, ou variations de sens d'écriture créent dans l'espace une lecture nécessairement aléatoire , que ne peut restituer la version ci-dessous.

Je veux de toutes mes forces ressembler aux autres

Je ne sais pas aborder doucement je ne sais pas expliquer sans affronter

Je suis vraie je ne trahis pas je n'aime pas mentir ni cacher ni me déguiser je ne calcule pas je ne sais pas manipuler je ne sais pas attendre quelqu'un

Je resterai juste à côté juste une membrane nous sépare vous ne voulez l'oublier vous la rendez plus opaque plus épaisse je veux la rendre invisible

J'aimerais tant que vous ne m'en vouliez pas de mes absences manquements

Je suis si maladroite inapte à dire aux autres l'envie que j'ai parfois de traverser le monde qui nous sépare

J'ai souvent tant de mal à faire des compliments simples évidents que pourtant je ressens

J'ai tant de troubles à les adresser sans craintes sans effets sans doutes paralysants

Parfois je veux la douceur et je suis la rudesse la plus violente je sens au plus intime de moi que je sais me contenir qu[e] j'entends déjà l'impact que je me vois déplorant les débris mais au même instant rien ne peut m'empêcher de jeter cet objet à travers l'espace de la pièce de n'aller qu'à la destruction pour m'apaiser

J'ai à la fois la terreur du moindre effleurement et l'envie sans voix de bras me serrant au plu[s] fort j'ai la mémoire rigoureuse inervée des agressions et des abus je me souviens sans aucun nom de tous de leur odeur précise ceux qui m'ont commandée qui ont cru profiter de mon emmurement de mon aveuglement je m'étreins de mes bras jusqu'à m'épuiser soudain je ne sais pas de panique si je dois toucher quelqu'un ou m'enfuir je me fige raidie je demeure molle je me vois comme hors de mon corps je ne trouve pas la bonne distance je ne veux aucun mal mais sans que je comprenne pourquoi mes gestes sont mal interprétés je suis incapable de parler avec ferveur de tout ce que j'invente qui est pourtant toute ma quête de bonheur je ne sais ouvrir en moi de véritables sentiments je n'ai vécu peut-être depuis toujours qu'à l'abris de la solitude j'ai attendu que quelqu'un se transforme s'approche de moi comme me ressembler presque totalement marcher incessamment à moi à chaque instant m'accomplir entier la pénombre maintenant m'est la plus douce la plus élucidante je peux tenir les couleurs à distance les rumeurs m'arrivent sans me trouer je peux distinguer les mots des voix sans les aplatir à un seul rôle ils m'attendent

Les gens autour de moi-même si ils ne sont pas ceux que j'apprécie le plus m'évitent la panique me permettent une habitude vivable

Pas l'inquiétude insupportable de recommencer sans cesse la première conversation

Ma survie dans ce détournement j'ai vital besoin de me retrouver seule de pouvoir m'abandonner au plus profond plus loin

Plus rien ne viendra m'appeler jusqu'à l'usure que tout mon être peut étendre son errance que je peux m'enfoncer toujours entière

Un mur fortifié autour de moi pas de crise en public je n'ai besoin de personne

Les rêves et les songes éveillés seuls me permettent de reprendre le dessus de construire l'ordre d'aller au plus loin sans perdre mon temps d'arrêter le temps

Je ne peux jamais contrôler le cessement des calculs et des listes en moi tout ce travail perdu de chercher à parler seule à mimer répéter des conversations dans le moindre détail comment me cantonner à ce que je dois faire je ne comprends que l'exactitude je me concentre si lentement si difficilement je ne sais comment détourner les conversations anodines les faire entrer dans ma pensée je les accepte j je comprends les sens des mots mais ça m'est impossible d'y prendre part je ne sais pas s suivre à chaque mot un autre fil me perdre dans ces pensées infinies qui se poussent je ne sais pas être spontané ni faire semblant ni adopter une voix m'enthousiasmer je ne peux pas me couper pour une personne je veux continuer d'apprendre à ne pas répondre aussitôt à ne pas me dissiper

Je n'ai besoin d'aucune

Amitié compassion

Je ne prévois les réactions de personne je ne comprends pas d'où elles viennent ce qui va se passer comment apprendre je ne vois rien venir je suis comme face à un mur je répète parfois les choses inlassablement mais ce que je dis je le sais je le ferai jamais je n'oublie

J'hésite à apprendre à sentir

Enfuir attendre

Etrangler

Sans retour

Sans condition

 

Notes de présentation de Je resterai juste à côté, août 2011 :

Ce dessin mural déployé et composé dans les trois étages de l'escalier de la galerie est une installation in situ. Expérience d'une écriture impliquant le corps entier à la venue des mots, d'une écriture de voix, d'une langue orale. Le texte n'existe pas avant l'exposition. Je l'improvise dans le lieu, à partir de carnets de notes et d'études de divers formats dans l'atelier. Alors aucun dessin préparatoire et une technique (charbon) qui exclut tout repentir, toute correction.

Dans les mois précédant Je resterai juste à côté, s'est dessiné entre les études préparatoires un monologue (la plupart de mes œuvres mettent en jeu des dialogues, adresses d'une personne à une autre). La confession, notation personnelle et intime d'une recluse, chercheuse. Une femme aux confins de la difficulté à ressentir, à partager, à entrer dans le monde des autres.

L'installation se déploie par paliers, associant comme une respiration des graphies, des intensités différentes. Elle s'est construite dans une épreuve de mémoire, sans ordre chronologique mais par enfoncement, accumulation. Elle invite par la dissémination des lettres en surfaces de textes comme par les changements de sens de lecture à y entrer aléatoirement.

Elle évoque par ailleurs aussi bien ma fascination pour l'univers du spectacle vivant (danse, théâtre), que pour des pratiques d'inscriptions archaïques (grottes, cellules carcérales, chambres funéraires égyptiennes), ou pour le livre et toutes les formes d'écritures.  

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Emmanuel ARAGON
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